Heikki Leis

Stoïques, les modèles de Heikki Leis le sont, impassibles même, le flegme vernit jusqu’aux bouts des ongles. Sur fond de rideaux, de murs ou de papiers peints, se succèdent des personnalités de tout poil, le repas servi de leur têtes, ou plus confortablement mis, les mains sagement sur une table, un accessoire posé à côté, qui vit sa vie -ou la finit d’ailleurs… Photographe, mais aussi sculpteur et dessinateur, ce portraitiste Estonien de 40 ans fait partie des découvertes de ce second numéro. Nous confiant ces deux séries, “Still life portrait” et “Weeping Heads”, Il nous a précisé : “Les gens sont importants pour moi, c’est pourquoi j’aime autant les photographier que les dessiner. Mais dans mon approche photographique, j’aime les traîner hors leur communauté, en les confrontant à quelque chose de non conventionnel, pour provoquer une dislocation, celle de leur petit monde”.

  • Bio 

Né en 1973 à Tartu (ESTONIE)

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Intrusions

Par Max Gratto

A rebours des installations bling-bling et autres mises en scène péplumesques à la mode, Heikki, lui, explore l’épure d’un territoire immédiat : celui de la kinésphère. Théorisée par le chorégraphe hongrois Rudolf Laban, la kinésphère désigne l’espace intime qui s’étend tout autour de nous. Délimitée par la longueur de nos membres, elle irait du bout des doigts jusqu’à l’extrémité d’un pied tendu, et ce, dans toutes les directions. Ce cocon imaginaire – surtout utilisé en danse et en théâtre – symbolise un territoire personnel où entrer demande une “autorisation” tacite.

Que chacun compte le nombre de personne autorisée à “pénétrer” sa bulle et on aura un aperçu véritable des intimes qui en possèdent l’aiguille… Petit théâtre de la personnalité donc. Là où se joue une pièce minimaliste, là où danse les plus délicates promiscuités. Jeux des marionnettes de soi-même. Dans ce petit détroit du corps, Heikki met en scène des objets quand les visages eux ne bronchent pas. Ces objets perce la sphère, la font vaciller : soudain les “compagnons” se toisent. Puis c’est l’électrochoc ! Un foudroiement : le flash. La photo a été prise. Que s’est-il passé ? L’un est encore vivant, l’autre n’est pas en forme…

“Still life portrait”, les objets explosent, meurent, sont malmenés, ne tiennent plus en place. Le photographe guettait un transfert, à l’instant précis où le courant est passé dans son boîtier, après la décharge créatrice, les flux ont modifié quelque chose : les objets n’ont pas tenu le choc : catharsis. Fond et forme, contenu et contenant, signifiants et signifiés, des objets et des âmes se sont rencontrés : “Still Life” littéralement “toujours en vie”, est l’expression anglaise pour Nature morte… “Still Life portrait “, ces portraits plus forts que leur pendants inertes, ces êtres plus forts que la matière, ces gueules plus fortes que la mort.

SERIE "Weeping Heads"

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