CALENDRIER

Ventôse est le 6e mois du calendrier républicain qui correspond à la période grégorienne du 19 février au 20 mars.

CLEPTAFIRE est un refuge pour les voleurs. CLEPTAFIRE est une collecte minutieuse de vertiges. CLEPTAFIRE vous cloue au poteau des couleurs, CLEPTAFIRE hisse le drapeau blanc, CLEPTAFIRE hisse le drapeau noir. CLEPTAFIRE aime la photographie, toute la photographie, peu importe le sujet, peu importe le concept, qu’elle soit des contrées du “contemporain”, du reportage, ou de la mode, nous accueillons dans cette nef incendiée ceux qui ont quelque chose à montrer, à dire, à brûler… Et qui le font bien.

Dans la rubrique trimestrielle UNE SAISON EN IMAGES nous regroupons, commentons et détaillons les plus belles fulgurances des réseaux sociaux (images publiées chaque semaine dans L’IMAGE DE LA DÉCADE). Picorées de-ci de-là, ces images sont l’air du temps d’un calendrier perdu, des éclairs prométhéens qui zèbrent sur la toile et méritent d’être canalisées.

Ventôse est selon Fabre Églantine, ce mois des “giboulées qui ont lieu, et du vent qui vient sécher la terre”.

Ventôse 220

Dans le détail

L’auteur : Chris Arnade est trader à Wall Street depuis plus de 20 ans… Mais il est aussi photographe. Et selon vous, où va-t-il traîner lorsque le temps de la finance le lui permet ? Soho, Chelsea, Greenwich Village ? Non, pas du tout : le Bronx, le quartier sulfureux, et pour y faire quoi ? Le portrait de junkies, de sans-abri, de prostitués… Ce grand écart tout à fait inédit est à méditer dans sa série « Faces of addiction ».

L’image : Chris dit : “j’ai commencé cette série en 2009. J’ai alors été attiré par le quartier de Hunts Point (en partie parce que quelqu’un m’a dit de ne pas y aller, que c’était le quartier le plus dangereux de New York). Je passais mes weekends et mes nuits  là-bas, j’ai rapidement connu beaucoup de monde, j’étais fasciné, c’était tellement différent de ce que l’on trouve dans les médias. ”  Plus d’infos : cliquez ici

À noter : “le Bronx Documentary Center, créé en 2011, fait partie de ces initiatives qui font tomber les frontières et les préjugés, en créant du lien social et en valorisant une communauté en s’appuyant sur la photographie documentaire. Installé dans le célèbre quartier du Bronx où New-Yorkais et touristes évitent de s’aventurer depuis des décennies, le BDC est un espace dédié à la photographie documentaire qui a réussi en cinq ans le pari de rassembler habitués de la sphère photographique et habitants curieux, autour de questions sociales et culturelles contemporaines” (Jonas Cuénin). En savoir plus : cliquez ici 

Les auteurs : Billy and Hells alias Andreas Oettinger et Anke Linz sont des photographes de mode berlinois, avec ce petit quelque chose en plus qui nous renvoie -comme chez un Thomas Devaux, dans le champ plus vaste des arts plastiques. Voilà quelques mois ils ont fait la couverture de l’excellente revue néerlandaise « Eyemazing » (2011).

L’image :  Tirée de leur série Blue Moon, “leurs personnages archétypaux sont des mères, des soldats, de cowboys, des infirmières et des professeurs, des portraits mélangeant des toiles de fond peintes à la main élaborées et s’inspirent d’innombrables échantillons de tissus, compositions de couleur et vêtements qui génèrent le ton distinct de chaque portrait..”

À noter : En 2007 les deux photographes  sont récompensés par le Taylor Wessing Portrait Prize de la National Portrait Gallery à Londres. En 2010, le duo était présent en particulier à la Affordable Art Fair de Londres et à la galerie Utrecht à Amsterdam pour une nouvelle exposition.” En voir plus : http://www.billyundhells.de

L’auteur : Benoit Paillé, autodidacte Canadien, fasciné par l’imbrication entre social et écologie,  expérimente sans cesse : tour à tour reporter, portraitiste, topographe plasticien, et autre… Dans sa bio il évoque lui-même ses autres passions : “Ambitieux, il se masturbe seulement une fois par jour. Dans ses temps libres, Benoit combat les nids de termites qui envahissent les murs et vaporise de l’eau de javel sur les coussins du divan plein de pisse de chien. Sa passion se transmet dans tout ce qu’il touche. (…) Tantôt Hells angel, tantôt Hulk Hogan, quand il marche, les lampadaires plient, les motos s’entre-choquent, les trottoirs fissurent, les mouches pondent, tout le décor se plastifie”. C’est dire si Benoit est occupé. Ses talents photographiques sont à voir ici : Cliquez

L’image : Cette image est issue d’un Rainbow Gatherings qui sont des communautés hippies se réunissant dans la nature. Benoit dit : “Je ne sais pas si c’est du documentaire. C’est parti de mon Stranger Project, où je rencontrais des étrangers et les photographiais; au Rainbow, ce projet s’est humanisé, c’est devenu moins froid, plus respectueux. Le respect est fondamental au Rainbow, il y a une conception du magique et du sacré plus importante et photographier ou enregistrer ce sentiment, ça le désacralise. (…) Certaines personnes que j’ai photographiées lors de leur Rainbow, c’était juste un passage, quelque chose qui ne se reproduira plus dans leur vie. C’est éphèmère et très précieux.”

À noter : Un Rainbow Gathering (littéralement rassemblement arc-en-ciel), est une communauté intentionnelle éphémère et autogérée généralement réunie en plein air et cherchant à pratiquer les idéaux de paix, d’amour, d’harmonie, de liberté, en rupture avec le capitalisme et les valeurs des médias de masse et de la société de consommation. Ces communautés se forment et reforment chaque année en des lieux annoncés à l’avance et dans plusieurs pays à la fois, pour quelques semaines. Les racines de ces événements peuvent être retrouvées dans la contreculture des années 1960 et les mouvements hippies et alternatifs.

L’auteur : Une série de portraits qui vaut le détour : à la manœuvre Jaroslav Kocian, photographe Tchèque qui travaille en extérieur et au flash -à la manière d’une Rineke Djikstra, c’est rare, c’est surprenant et surtout : ça nous a plu. Pour voir sa série family portrait, qui comme son nom l’indique retrace sur le même mode les visages qui lui sont chers il faut : Cliquez ici

L’image : est-ce une référence direct à l’affiche du film “chute libre” (falling down) de Joel Schumacher ? Peut-être. En tout cas, ce portrait d’un homme à la mallette les pieds dans l’eau évoque clairement le spleen pessoesque*, celui de l’homme contraint par des fonctions ingrates et répétitives qui ne rêve sa libération (ou son naufrage) que par l’élément aquatique…

À noter : *Pour la référence à Pessoa et son : « Livre de l’intranquillité est le récit du désenchantement du monde, la chronique suprême de la dérision et de la sagesse mais aussi de l’affirmation que la vie n’est rien si l’art ne vient lui donner un sens. L’art, ici même, est poussé à son paroxysme. » (François Busnel, Le Magazine littéraire, mars 2000). 

L’auteure : Un regard pertinent sur l’enfance – sujet qui inspire visiblement nombre de grands photographes, à n’en pas douter Cynthia Henebry en fait partie.  Portraitiste originaire de Virginie (USA), issue d’une famille recomposée et nombreuse, très nombreuse,  Cynthia est aussi éducatrice, autant d’éléments qui l’ont poussé à traiter presque exclusivement les sujets de l’intime, du souvenir, des liens du sang et/ou de l’attachement, de manière tout aussi délicate que retenue, pour s’en persuader nous vous conseillons vivement de jeter un oeil à sa série the marriage oaks, sur son site : Cliquez ici.

L’image : dans une interview accordée au website photo Lenscratch (l’un des meilleurs outre-atlantique), Cynthia dit : “la plupart d’entre nous pensons à l’enfance dans une perspective idéalisée. Nous nous souvenons des jours d’innocence et de bonheur, des jours sans souci, sans responsabilités, les jeux dans l’arrière-cour, les bonbons, les étés en famille qui semblaient s’étendre à l’infini. Mais en réalité, à bien y regarder, l’enfance est chargée de complexités : il s’y trouve des périodes de solitude et d’insécurité intense, d’appréhension et de terreur qu’il me semblait important d’étudier.” 

Suite de l’interview :  “je ne me souviens pas de la plus grande partie de mon enfance, et cela reste un grand mystère pour moi. Je prends donc en photos l’enfance d’autres gens aussi bien pour satisfaire ma curiosité sur ce qu’a pu être la mienne, que pour renseigner celle de mes propres enfants. (…) Je n’ai jamais souscrit à l’hypothèse selon laquelle les enfants ont la vie facile, que leurs mondes sont moins compliquées que le notre, ou que leurs émotions sont plus simples. Au contraire, il y a tellement de choses hors de leur contrôle…”.

L’auteur : Grand Lauréat du World Press Photo Award en 2010, on ne présente plus David Chancellor, ce cliché magnifié par l’heure bleue, cliché lui-même récompensé la même année par le taylor wessing portrait prize est l’un des plus beaux de sa série hunters, il court depuis un peu partout sur le réseau, à raison… Le site du photographe : ici

L’image :  Pris en Afrique du sud, ce portrait incroyable témoigne de ce que le pays possède actuellement de l’une des plus grandes industries touristiques consacrées à la chasse. S’il existe également des business développés ailleurs sur le continent, celui du sud a explosé ces dernières années en raison d’une augmentation de l’élevage ludique (c.à.d. uniquement destiné aux safaris) au détriment de l’élevage traditionnel particulièrement frappé par la sécheresse. 

À noter : Au tournant du siècle, les safaris en Afrique de l’Est sont devenus à la mode chez les membres des classes privilégiées (en particulier en Grande-Bretagne et aux États-Unis). L’achèvement du chemin de fer en Ouganda en 1901 a permis d’accéder plus facilement aux hauts plateaux intérieurs de l’Afrique orientale britannique (maintenant le Kenya), où les éléphants, les lions, les buffles et le rhinocéros, étaient alors abondant. Des chasseurs blancs se sont alors reconvertis en guides, professeurs et protecteurs. Mais l’industrie de la chasse a commencé sérieusement au début du XXe siècle au Kenya, lorsque de riches visiteurs européens et américains sont venus en nombre pour payer les agriculteurs coloniaux pour les guider dans leur quête de trophées…

Les auteurs : La jeune photographie des pays d’Europe de l’Est et de Russie est vraiment incroyable, il s’y passe quelque chose d’authentiquement désarmant (sans jeux de mots aucun) et de profondément mélancolique qui nous touche tout particulièrement. Pour preuve, quatre jeunes artistes dont, les deux premiers Yura kurnosov et Olga, et un peu plus bas Katerina et Anna. Nous gardons un œil sur eux… Ici le moscovite Yura qui travaille sur film 6×6 nous livre un magnifique noir et blanc, le noir et blanc argentique, précisément la passion  du russe, pour en voir plus : Cliquez ici

L’image : pour Dodho magazine Yura commente ce qui suit : “Chaque image, chaque personne – c’est toujours une nouveauté, une nouvelle plongée dans l’être, une nouvelle connaissance de l’autre. J’essaie de voir ces visages à travers mes propres projections,  les reflets de moi-même, aujourd’hui, je les réalise ainsi, mais demain, qui sait, mes portraits seront peut-être tout à fait différents. J’admire le travail de Richard Avedon, Irving Penn. Aujourd’hui, j’aime aussi les classiques. À l’heure actuelle, en dehors de la photographie pratique, j’enseigne, et j’aime vraiment ça.”

À noter :  A la chute de l’Union soviétique puis à partir des années 2000, la photographie russe voit arriver une nouvelle génération qui construit son univers artistique en toute indépendance et dont l’oeuvre est en quelque sorte le miroir des changements. Entre nostalgie d’un passé révolu et espoirs indicibles, ces jeunes artistes proposent un constat sans concession sur la Russie contemporaine. Pour suivre l’avant-garde de cette jeune scène, suivez particulièrement : Alexandre Gronsky, Ivan Mikhaïlov, Tim Parchikov, Natasha Pavlovskaya, tout 4 exposés au château d’eau de Toulouse à partir d’Octobre 2010.

L’auteure : Née en 1981 à Moscou, Olya Ivanova a étudié la littérature russe à l’université pédagogique de Moscou avant de se consacrer à la photographie. Ses images ont été publiées dans The Guardian, The Russian Reporter, The Daily Telegraph et exposées en Russie, en Grèce, en Italie et aux Etats-Unis. Alternant travail de presse et portraits, Olya produit aussi plusieurs séries plus personnelles consacrées à la vie pastorale russe (village day et Bologoe, in between).  Le site de la photographe : Cliquez ici 

L’image : Dans une fibre toute Klimtienne, Olya s’intéresse pour une série de portraits de mode intitulée weirdo (pour le magazine Vice), au féminin, à l’adolescence, plus particulièrement à celles qui tatouées, percées, modifiées, expriment leur vie via le support de leur corps. Elle s’explique : “ces gens se sentent comme étrangers, monstrueux ou fous. Souvent, ils aiment changer leur apparence, le plus souvent pour échapper à eux-mêmes, voire cacher leur véritable visage. Ils pratiquent le transgenre, l’homosexualité, les modifications corporelles —->

Suite : ils préfèrent utiliser des surnoms pour vivre dans une sorte de réalité parallèle, une zone intermédiaire qui est étrangère aux divisions géographiques et aux lois politiques. Chez eux, les règles de comportement, la frontière entre le bien et le mal, la joie et la tristesse, le réel et l’irréel, l’innocence et la perversité devient très vagues.”

L’auteur : Il n’est finalement pas si évident de trouver des incandescences autour du nu. Quelque chose  sans prétention, sans démonstration, sans vulgarité… Dans le travail de cet américain originaire d’Orégon il n’y a rien de tout cela, bien au contraire. Alors certes, la mode « Pola » est  un peu passée, mais Rich Burroughs s’en fout, lui en faisait avant, et continuera après… Mais surtout, il sait comme personne capturer « l’eros » de ses modèles, là où d’autres ne nous livrent souvent que de la viande triste… Aucune raison donc de bouder son plaisir. et de poursuivre sur le site de l’artiste : ici

L’image : Issue de la série Women II, Miss Justine Marie (c’est le nom du modèle) est l’une des muses récurrentes de Rich. Rich explique avoir grandi dans un milieu très conservateur : il dit “d’une certaine manière, j’ai eu une vision très réprimée de la sexualité. J’avais honte du sexe. Mais cela a changé ces dernières années. Je ne me considère pas comme un photographe érotique, je cherche juste à fixer cette “ouverture” d’esprit qui m’anime… Il y a des épanouissements qui font plaisir à voir ! 

À noter : En 2008 onze salariés de l’ancienne usine Polaroid d’Enschede (Pays-Bas) ont racheté les machines restantes et ont mis au point de nouvelles émulsions. Le premier film NB de type SX-70 est sorti en mars 2010. The Impossible Project a pour but de relancer la production de films photographiques instantanés avec comme objectif de produire plus de dix millions de cartouches chaque année. La vente se fait en ligne ou via des réseaux de distribution spécialisés. Si vous voulez aider cette belle initiative, ça se passe ici : https://eu.impossible-project.com 

L’auteur : Zander Olsen est un photographe-plasticien gallois né en 1976. Il est diplômé du Chelsea Art College. En 2009, il a été présélectionné pour le prix Terry O’Neill. Sa série tree, line est devenue virale chez tous les bons web- art-média, elle met en relation la nature et la perception, le réel et le virtuel et réactualise (voire dépoussière) le mouvement des années 60-70, le land art. Très discret, il n’existe pas beaucoup d’informations sur cet artiste, le mieux est donc d’aller directement sur son site pour découvrir ses arbres enveloppés : Cliquez ici

L’image : «Depuis 2004, Zander développe ce projet à Surrey, au Hampshire et au Pays de Galles. Enveloppant des arbres avec du matériau blanc pour construire une relation visuelle entre l’arbre, le non-arbre et la ligne d’horizon selon le point de vue de l’appareil photo, il joue du malaise visuel d’une perception humaine qui cherche spontanément (et culturellement) un point de fuite, une perspective rassurante et tente vainement de séparer 1er et 2nd plan. Comme les anamorphoses peintes du français Georges Rousse, les arbres encadrés in situ par un drap blanc du coréen Myoung Ho Lee, ou encore (et surtout…!) les paysages altérés de John Pfahl, Zander interroge l’objectivité supposé du médium photographique… 

À noter : Le Land Art propose une nouvelle version, à la fois monumentale, minimale et conceptuelle, du traitement artistique du paysage. Les artistes du Land Art effectuent des interventions sur ou dans le paysage, et le modifient de manière provisoire ou durable. Ils veulent établir une communion intime avec la nature, éloigner l’art des musées et des galeries. Ils s’inspirent des sites archéologiques et sacrés. Certains ajoutent à leurs oeuvres des éléments étrangers, d’autres se contentent d’utiliser les matériaux existants. La photographie et le dessin sont souvent employés pour garder traces des oeuvres.

L’auteur : Une réflexion originale sur le féminin, le rapport à soi, l’image renvoyée de son corps, les apparences, bref  toutes ces choses qui font le sel ou le poivre du quotidien… Mitsuko Nagone a grandi dans une petite ville au sud du Japon, a étudié à Tokyo puis à New-York : dès lors elle s’interroge très tôt sur l’identité et sur ce que peuvent évoquer comme préjugés les traits du visage, en particulier celui des femmes. Pour retrouver le  travail de cette jeune photographe c’est simple :  Cliquez ici

L’image : La série I’am more than my face où précisément Mitsuko masque son visage des objets souvent du quotidien s’applique à démontrer que l’identité se crée et qu’elle n’est pas imposée par le visage (et ses origines sexuelles et ethniques). Dans cette succession hilarante et parfaitement maîtrisée de mises en scène, la photographe cherche à exploser les limites imposées par le corps, le “qui suis-je?” se trouve ici des réponses burlesques qui vont à l’encontre du déterminisme et de la fatalité…

À noter : sur l’identité objective et subjective et la photographie : “Le 27 novembre 1854, quinze ans après la naissance de la photographie, Eugène Disdéri dépose le brevet de la photo-carte de visite, ou portrait carte. Par l’utilisation d’une chambre noire à quatre ou six objectifs associée à un « châssis multiplicateur », il peut juxtaposer plusieurs prises de vue sur une même plaque négative ; de ce fait, il réduit grandement le coût de l’image photographique. Historiquement réservé aux puissants, le portrait devient dès lors accessible au plus grand nombre. Si Napoléon III (dont Disdéri vend l’image à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires), avec « son sens de la propagande indispensable en démocratie plébiscitaire », prolonge l’utilisation du portrait comme affirmation de son pouvoir en utilisant l’outil moderne qu’est la photographie, les deux mille quatre cents cartes de visite qui sortent quotidiennement des ateliers parisiens de Disdéri montrent que le portrait n’est plus le privilège des maîtres – une révolution qui ouvre la voie au travail d’Alphonse Bertillon. Dans les années 1880, ce dernier instaure le principe du portrait photographique comme mise en évidence de l’unique aux corps des criminels mêmes, définit ainsi des corps politiques et crée, sur cette base, l’identité attribuée progressivement à l’ensemble de la société. Par ses conditions de mise en oeuvre, par les caractères propres du médium photographique, l’identité photographiée, forme individuelle qui n’existe paradoxalement que dans le collectif, participe ainsi des modalités modernes d’application du pouvoir…” Stéphanie Solinas (la suite de l’article : ici)

L’auteur : Pour le contrepoint avec la démarche du-dessus : du masculin chez Yann Faucher, ça change, et c’est plutôt pertinent. Photographe de mode, Yann nous propose différentes facettes de son travail : Cliquez ici

L’image : Trouvez la faille, la fragilité d’un portrait, c’est ce que tout photographe cherche lorsqu’il se confronte à son modèle. Nombre de portraits s’associent d’un objet. Comme pour en souligner la nature, la particularité, le mystère, cet objet est aussi un auxiliaire précieux pour accéder au “coeur” du sujet et donc traduire cette fameuse fragilité. L’exercice est pourtant périlleux, un objet qui détourne le regard dans la composition : c’est risqué… Qu’on regarde mieux les objets qui accompagnent les visages, ils sont souvent la clef de l’énigme…

À noter : Héros légendaire de l’indépendance helvétique qui demeure pour tous les Suisses le héros national par excellence et la personnification des luttes pour la liberté et l’indépendance. À cette époque, la Suisse dépendait encore du Saint Empire romain germanique. Les baillis (gouverneurs) qui étaient envoyés dans les cantons suisses pour représenter l’autorité de l’Autriche, étaient de véritables tyrans. A Uri, le bailli, Herman Gessler, n’était pas connu pour sa compréhension et sa grande mansuétude. C’est alors que Gessler décida de vérifier la loyauté de son peuple. Sur la place publique d’Altdorf, il fit hisser son chapeau au bout d’une perche et exigea que chacun saluât à chaque passage son couvre-chef aux couleurs de l’Autriche. Personne n’osa braver l’ordre du bailli, sauf Guillaume Tell qui passait pour le meilleur arbalétrier du canton et qui refusa de saluer l’emblème. Il fut arrêté et conduit devant Gessler qui décida de ne pas le mettre immédiatement en prison mais de lui lancer un défi. Il ordonna que Guillaume place Walter, son fils, au pied d’un arbre, une pomme sur la tête, fit reculer le père de 100 pas et lui demanda de prouver qu’il était bien le meilleur arbalétrier du canton en transperçant la pomme. Dans un premier temps Guillaume refusa de s’exécuter mais fut finalement contraint d’obéir. Heureusement il était très adroit…

L’auteur : Retour en Europe de l’Est donc… Avec la portraitiste Katerina Dmitrieva, qui au gré de ses balades et de sa vie au bord de la mer noire, en Crimée, nous livre un magnifique témoignage sur ses amis, amours et paysages qui peuplent son existence.  Pour s’en persuader, il faut se rendre sur le fameux site Cargo Collective : cliquez ici

L’image: Ha ! L’autoportrait ! Ce genre typiquement photographique qui aujourd’hui culmine dans le selfie (pour le pire comme le meilleur), nous n’avons pas fini d’en parler… Avec son petit air de Vivian Maier, Katerina, bras et main bashungiennes (sans la cigarette mais avec l’appareil photo) qui vont chercher la joue opposée, se livre à l’exercice en s’immortalisant devant le miroir : gageons que si son reflet nous apparaît dans toute sa splendeur, c’est que, malgré sa peau blanche, ce n’est pas un vampire…

À noter : La création de l’autoportrait a été rapportée à la vision de Narcisse se contemplant dans son miroir. Au-delà de l’introspection, l’autoportrait fut une manière commode d’exercer sa technique (le modèle le plus facilement disponible étant soi-même). Dans l’Antiquité, l’artiste au travail se représente sur les peintures égyptiennes ou sur la céramique grecque. On note l’apparition des premiers autoportraits indépendants (l’artiste ne se représentant pas au travail) dès le XIIe siècle dans les enluminures, mais ils s’apparentent en fait à un procédé de signature (celles-ci étant souvent accompagnées du nom de l’exécutant) plus qu’à de réelles expressions picturales. Le procédé consistant à se peindre parmi les personnages d’un événement, sorte de signature visuelle du tableau, se développe au XIVe siècle avec le développement de la technique de la perspective centrale et la diffusion, à partir de Venise, des miroirs de verre. Il aurait été utilisé dès 1359 dans l’Assomption de la Vierge d’Andrea Orcagna. La primeur incontestable du procédé pourrait cependant revenir à Benozzo Gozzoli, qui se met en scène, s’avançant parmi la foule, coiffé d’un bonnet sur lequel son nom est inscrit, dans la fresque de l’Adoration des mages (Chapelle des mages, 1459, à Florence). De même, Piero della Francesca se représente en soldat, lourdement endormi, dans sa Résurrection (vers 1463-1465, Sansepolcro), alors que Sandro Botticelli, se tourne orgueilleusement vers le spectateur, dans une autre Adoration des mages (Florence, 1475).

L’auteur : Photographe russe de Saint-Petersbourg, Anna Kharina fait elle aussi partie de cette génération hyper talentueuse venue de l’Est. L’odor du fémina, le parfum des peaux, des nus sensibles qui émaillent l’oeuvre d’Anna sont à retrouver en Cliquez ici

L’image : C’est drôle ou plutôt c’est étrange… Dans ce nu, il y a une proximité immédiate avec les chairs du peintre Balthus qui, peu le savent, était d’ailleurs aussi photographe (à la fin de sa vie, il avait en fait perdu le contrôle de son regard et de sa main – l’artiste du abandonner ses crayons pour se résigner à utiliser un appareil polaroïd). Sa dernière muse s’appelait Anna! et les images issus de leur séance ont longtemps été censurés. Pour plus d’infos : Lire cette article

Question : Que sent cette image ? pour vous aider : un parfum se décrit en notes de tête (odeurs liées à la première impression olfactive et sont les plus volatiles), notes de cœur (qui constituent le cœur du parfum et demeurent pendant plusieurs heures), et enfin notes de fond (qui persistent longtemps et peuvent rester des mois sur un vêtement). À titre d’exemple, voici la description du parfum Coco de Chanel : Famille : semi-ambré fleuri, Tête : bergamote, vert, Cœur : jasmin, rose, fleur d’oranger, pêche, Fond : frangipanier, vanille, baumes, opopanax, santal. À vous de jouer…

L’auteur : Nous n’avons pas attendu le Prix HSBC dont Noémie Goudal fut la lauréate en 2013 pour mentionner son travail qui comme chez un Georges Rousse est basé sur le trompe-œil, la frontière entre réalité et “fictionnalité”, et questionne l’objectivité supposée du médium photographique. Née en 1984, diplomée du Royal collège of art Noémie revendique entre autre une inspiration issue de l’écrivain Haruki Murakami ! Son site : Cliquez ici 

L’image : Cascade introduit ‘la promesse non tenue’ d’une merveilleuse chute d’eau, sa matière étant toutefois constituée de feuilles de plastique dégoûtantes. À la différence des utopies qui relèvent toujours du domaine de l’invention, ces endroits peuvent être définis comme des hétérotopies, concept forgé par Michel Foucault à la fin des années soixante et qui désigne les « espaces autres », localisation physique de l’utopie.”

Suite bio : Au cours des dernières années, le travail de Noémie Goudal  a été essentiellement axé sur des images photographiques résultant de conceptions volumiques ; des sculptures et des installations connectées avec soin à des espaces spécifiques avant d’être photographiées. La fabrication est cependant fondamentale à la pratique, l’acte de prendre une photo transforme l’objet, et par conséquent, l’image devient l’objet lui-même. À travers un processus de jeux de construction qui jouent à l’intérieur d’emplacements, Noémie Goudal produit des sphères polyvalentes qui ouvrent de nouvelles perspectives au tableau photographique.